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FULL DISCLOSURE
Je ne parle ici que de ce que je connais, au travers de discussion avec d’autres autiste ou par rapport à mon vécu et mes lectures. Dans cet article, je pense particulièrement aux autistes qui ne communiquent pas ou très peu, et qui doivent avoir toutes les difficultés du monde à faire comprendre que non, se faire entourer de serviettes mouillées quand il font un crise ne leur plait pas plus que ça
Meltdown, Shutdown, mais de quoi tu parles ?
Hey toi gentil lecteur, voilà des gros mots que n’aimerait par Jacques Toubon ! On va essayer de t’expliquer calmement en quoi consistent ces deux petites choses, qui n’ont que peu d’impact (non) et qui sont tellement sympathiques à vivre quand tu es autiste.
Et encore, je vais parler au nom de moi-même, qui a la chance de faire partie de ce que les psys appellent les autistes de haut niveau (que ce mot est vilain, on dirait que je vais participer aux Jeux olympiques des autistes) ! Donc genre j’arrive à m’exprimer, à mettre des mots plus ou moins adaptés. Mais essaie de lire cet article en imaginant que certains autistes n’ont pas les clés pour communiquer avec leurs entourages respectifs, ou encore que certains enfants ne comprennent pas le processus à l’œuvre à ce moment-là, et n’ont que les cris et les pleurs pour exprimer.
On va déjà commencer par un peu de définitions, histoire de faire sérieux.
Le Shutdown (ou fermeture)
Prenons comme base pour discuter la définition trouvée sur le site Centre Ressources Réhabilitation :
Le shutdown est une défense de l’organisme contre les agressions sensorielles.
Vue de l’extérieur, la personne semble être dans l’incapacité à communiquer, cherche à s’isoler au calme, se replie sur elle-même, peut avoir recours aux stéréotypies et parfois se retrouve mutique, incapable de parler même si elle le voulait.
De l’intérieur, nous ressentons une explosion immense, un tsunami intérieur qui nous envahi mais que nous n’avions pas invité.
Un mal physique et mental qui nous submerge, que nous ne pouvons pas repousser.
Nous avons alors des mécanismes de défense comme les pleurs, le balancement, se boucher les oreilles, fermer les yeux, se mettre en boule etc.
Communiquer et parler est à ce moment précis une torture mentale, un effort surhumain, et si l’on nous pousse à la communication, nous pouvons être agressifs, tranchants, ou encore nous retrouver en situation de « meltdown ».
Ç à l’air fun non ? Ça l’est effectivement.
Et ce qui est drôle, c’est que bien souvent, on ne le sent pas arriver ! Parfois même, les gens qui nous sont proches l’anticipent avant nous !
Car c’est bien là, à mon sens, le combo bien casse couille des autistes : le manque d’endurance aux stimulus, couplés à une incompréhension des informations remontées par notre corps, tout ça recouvert du besoin de camouflage.
Si on devait en faire une formule, ça ressemblerait à ça
(Stimulus extérieurs + mauvaise interprétation des signaux) * besoin de camouflage = FATIGUE
Et cette fatigue s’accumule avec le temps, et, pour ceux qui ont des obligations et/ou des troubles du sommeil (70% des personnes autistes ont des troubles du sommeil), le repos est rarement complètement réparateur.
Et le besoin de camoufler pour paraître « normal » en société, agit comme un catalyseur de cette fatigue, et on se retrouve avec une courbe de fatigue exponentielle, tout en étant en incapacité à l’anticiper.
Et lorsque le niveau est atteint… boum… coupure, fermeture de rideau, salut et à la semaine prochaine !
Le Shutdown débarque, et c’est parti pour une bonne dose de (pas) rigolade.
Lorsque c’est possible, la personne va s’isoler, au calme, va s’adonner à un truc qui lui plaît : regarder un film ou une série, se documenter sur les cryptomonnaies, écrire des articles, ou juste regarder les arbres pousser.
Mais lorsqu’on ne peut pas s’isoler ?
C’est ici qu’arrive le Feu Intérieur dont je parle dans le titre.
Expliquons avez un exemple absolument inventé et que je n’ai jamais vécu…
Une personne avec 2 enfants, en télétravail, avec des classes fermées pour cause de COVID19.
Cette personne totalement fictive essaie de gérer son boulot, les enfants qui s’ennuient, les courses, la cuisine, les cris, sa propre peur d’être contaminé. Enfin en gros, des stimulus bien bruyants.
Là tu te dis, cher lecteur : « bhâ il a qu’à aller s’isoler ce con ! »
Certes, comment te donner tort sauf que… tu oublies un des paramètres de la petite formule du dessus : le besoin de camouflage.
Car, dans sa tête à l’exemple, un bon papa, ça arrive à tout faire. Donc il met de côté les sensations…
De l’extérieur, et pour un œil non exercé, Exemple est le papa qui assure, il garde son calme, arrête de travailler quand il faut, sourit, dit bravo au 45eme dessin qu’on lui présente.
Mais à l’intérieur, l’estomac commence à brûler, le ventre à tirer, le cœur bat un peu fort dans la poitrine, les yeux ont envie de se fermer, chaque bruit devient chaque minute un peu plus fort, les odeurs même sont dérangeantes… Mais il doit continuer Exemple, et prouver aux autres, et surtout à lui même, qu’il peut y arriver.
Tout ça pour dire qu’un Shutdown, parfois, peut se contrôler, au prix d’une fatigue encore plus intense et donc une augmentation du risque de Meltdown !
Comme je suis super sympa, je vous ai fait un petit graphique pour montrer comment ça fonctionne :
Donc là en gros, on voit bien que plus la personne autiste force pour vaincre le Meltdown, moins le repos sera efficace, et plus elle reviendra vite dans cette zone jusqu’à ce que survienne…
Le MeltDown
Et oui, il est là… et pour le coup, ça va être dur de faire bonne figure
Retournons sur le site Centre Ressources Réhabilitation pour voir cette définition :
Le meltdown est une forme d’incapacité à retenir une surcharge émotionnelle.
Là encore nous ressentons une explosion intérieure, mais nous ne pouvons pas la retenir, la contenir. Les manifestations extérieures sont assez troublantes et parfois violentes à voir ou à vivre pour l’extérieur.
De la « crise de larmes » incontrôlée, à la « crise de rage », nous pouvons littéralement exploser. Cela peut passer par des hurlements, de la colère, voir de la violence contre soi-même et dans certains cas extrêmes contre les autres.
À l’intérieur de nous, la sensation de frustration et d’incompréhension est à son paroxysme, le cerveau est en surcharge et n’arrive pas à « redescendre ». Si nous sommes seuls, la notion de danger peut être élevée, à cause des gestes d’auto agression. Si une personne est avec nous, elle peut avoir envie de nous calmer, et cela peut aussi aggraver la crise.
Ouais alors là, autant dire que tu es loin du stéréotype à la LinkedIn de l’autiste super sexy qui est trop efficace au travail hein !
En clair, quand ça arrive, tu ne contrôles plus rien, tu es allé trop loin, c’est le signe qu’il faut d’urgence tout stopper et aller souffler un coup sur la colline, ou te foutre dans le noir, ou je ne sais pas…
Et là clairement, c’est pour moi un échec personnel quand ça arrive. C’est le signe que tu n’as pas été capable d’écouter les signes annonciateurs, où que tu as trop voulu faire le neurotypique (ho blague ça va).
Et pour en revenir à Monsieur Exemple ci-dessus, il se trouve qu’il n’avait pratiquement jamais fait de Meltdown avant d’avoir des enfants… bah ouais. Étrange ? Non pas vraiment si on y pense. Car une fois que les enfants sont là, je pense que la responsabilité prend le dessus sur tout le reste, et pousse à ignorer encore plus les signes, conduisant irrémédiablement à la zone rouge.
Ouais mais on fait quoi contre ça ?
Alors c’est super gentil de poser la question, et je vais tenter d’apporter une réponse toute personnelle.
Pour ceux qui ont reçu un diagnostic adulte, il faut réapprendre à s’écouter, faire confiance à l’entourage qui nous connaît parfois mieux que nous même (ou pas, mais c’est une autre histoire), et ménager des moments qui permettent de recharger les batteries. Simple à dire, parfois très difficile à faire.
Pour les parents d’enfants autistes, il faut leur apprendre à dire stop, sans violence, à reconnaître les signes. Mais clairement, si élever un enfant c’est un peu comme conduire sur une route de montagne, élever un enfant autiste, c’est conduire sur la même route, mais verglacée ! Chaque virage doit se négocier avec tact, et les traces de freins dans le caleçon seront légions !
J’ai trouvé cette petite fiche sur le site Autisme Monteregie qui explique plutôt pas mal comment fonctionne la batterie des autistes
Mais en clair, si vous vivez avec une personne autiste, il faudra accepter parfois qu’elle s’isole, ou fasse des trucs étranges pour se calmer. Pour ma part je vais taper un rythme sur la table avec les doigts ou rester parfaitement immobile en fixant le lointain par la fenêtre… parfois je vais rester plusieurs minutes comme ça… et si de l’extérieur ça peut paraître ridicule, ça fait un bien fou.
Bien entendu, cet article aborde juste ce sujet pour vous aider à comprendre un peu mieux l’autisme. Il y a sans doute des raccourcis, des points de vue qui diffèrent du mien car une fois de plus, je ne suis pas un professionnel de la neurodivergence, juste un concerné qui vous parle de ce qu’il connait le moins mal : lui même. Si le sujet vous interesse, bein allez sur google ou venez discuter sur Twitter
Sais-tu que quand on sourit, le cerveau génère des endorphines? C’est ma stratégie quand mes batteries se vident. Incroyable comme un simple rictus élimine la plupart de mes erreurs quand je pratique le piano.